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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/336

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rage, travail, génie, bonté. Je n’en rappellerai qu’un seul trait, parce qu’il offre l’exemple d’une grande victoire de l’esprit sur le corps, et que c’est sous ce dôme qu’il convient d’appendre les trophées de ces victoires-là. En 1868, après une campagne de recherches et de polémiques où il avait prodigué ses forces, il fut atteint d’hémiplégie. Il se crut perdu, et, après avoir dicté à sa femme, confidente de toutes ses pensées, aide et soutien de tous ses efforts, une dernière note pour l’Académie des Sciences, il attendit la mort, avec résignation, mais non sans tristesse : « Je regrette de mourir, disait-il : j’aurais voulu rendre plus de services à mon pays. »

Si la mort s’éloigna de lui, il ne se remit jamais complètement de cette atteinte, qui se renouvela. Il garda toute sa vie une démarche pénible et claudicante : comme Israël, il était sorti froissé de son formidable corps à corps avec le mystère. Il ne tint en respect qu’à force de volonté le mal qui le menaçait toujours, et qui finit par le ressaisir. Et cependant son génie sembla devenir, après cette épreuve, plus actif et plus lucide encore : il accomplit la part la plus considérable et la plus féconde de son œuvre dans des conditions qui auraient interdit le travail à d’autres... C’est de ce génie et de cette œuvre que je voudrais tâcher de donner une idée.


Il faut renoncer à traduire en littérature, si l’on peut ainsi dire, l’originalité d’un génie comme celui de Pasteur. Elle est surtout dans les idées ; mais ces idées ne sont pas des idées philosophiques ou littéraires. « La science expérimentale, a-t-il dit lui-même, ne fait jamais intervenir dans ses conceptions la considération de l’es-