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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/343

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lesquels il a su lui arracher le mot de tant d’énigmes. On y admire la logique profonde qui, de la cristallographie à la médecine, rattache entre elles toutes les phases de cette œuvre immense, si variée dans ses applications, si essentiellement une dans sa direction et dans sa méthode. Je me bornerai à en signaler les points principaux et à en indiquer la portée générale.

Les premiers travaux de Pasteur auraient suffi à la gloire d’un savant. Il y découvrit la dissymétrie moléculaire, c’est-à-dire un des secrets les plus cachés, les moins soupçonnés et les plus importants de la nature : cette découverte a été le point de départ d’une branche nouvelle de la chimie organique, la stéréochimie, qui se développe sous nos yeux et a déjà produit de surprenants résultats. Mais ce qui a vraiment rempli la vie de votre illustre confrère, ce qui a rendu son nom célèbre entre tous, c’est la conquête, pour ainsi dire, d’un nouveau règne de la nature, celui des êtres invisibles et partout présents, animaux et surtout végétaux, qui tissent et défont sans relâche la grande trame de la vie planétaire, des microbes, comme on les appelle depuis une vingtaine d’années. Le mot n’est pas trop bien fait, — il n’est pas de Pasteur, — mais il a passé dans toutes les langues, et il faudra l’admettre dans le Dictionnaire.

Ils étaient connus avant Pasteur ; mais on avait à peine entrevu le rôle immense qu’ils jouent dans la nature. Le monde de ces êtres microscopiques, doués d’une vie purement élémentaire, n’était guère considéré, il y a quarante ans, que comme un objet de curiosité ; il nous apparaît aujourd’hui comme le substratum et la condition du monde animé tout entier, comme l’océan sans fond d’où sort et où rentre