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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/347

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là. Désireux depuis longtemps de combattre face à face les maladies humaines, il s’en prit à l’une des plus terribles, à la rage, contre laquelle on ne connaît aucun remède, et dont le nom seul remplit les hommes d’épouvante. Après cinq ans de recherches obstinées, d’autant plus longues et incertaines que le microbe de la rage, s’il existe, ne s’est pas laissé découvrir, il réussit à obtenir un virus atténué qui immunisait les animaux contre le virus le plus violent. Mais pour les hommes la vaccination préventive ne convenait pas : le mal est trop rare et le traitement trop pénible. Alors naquit dans l’esprit de Pasteur une idée qu’il était seul assez hardi pour concevoir, assez obstiné pour réaliser. Même inoculé après la morsure, le virus atténué ne pourrait-il aller plus vite que le virus funeste et le devancer dans les centres nerveux où il exerce ses ravages ? Des expériences faites sur les chiens confirmèrent pleinement cette vue audacieuse. Mais quelles émotions secouèrent le cœur si impressionnable du grand initiateur quand il se résolut à appliquer à des êtres humains le traitement qui lui avait réussi pour les bêtes ! Avec quel tremblement il osa inoculer à de pauvres enfants le mal effroyable dont on pouvait douter, malgré leurs horribles morsures, qu’ils fussent atteints déjà ! Il a dit lui-même, avec sa réserve accoutumée, on nous a raconté avec une émotion communicative, ses hésitations, ses doutes, ses alternatives de crainte affreuse et de joie infinie, ses nuits d’insomnie, ses jours d’observation anxieuse, sa confiance enfin assurée, partagée, et chaque jour affermie par de nouveaux succès…

Tant de fatigues et d’angoisses achevèrent de briser ses