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Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/364

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invoqué leur témoignage pour réclamer de notre justice le vote unanime qui vous a élu.

Ernest Renan vous aimait beaucoup. Votre méthode était la sienne ; il se plaisait à la dire scientifique ; elle est savante, un ignorant n’a pas le droit de la juger ; cela suffit-il ? La langue française est assez riche pour ne pas imposer le même nom à des génies opposés ou, tout au moins, à des aspirations dissemblables. L’homme de science énonce une vérité, propose un enchaînement de déductions rigoureuses, déclare tout d’abord la certitude absolue, et défie toute contradiction. L’érudit et le philologue estiment, non sans raison, que la concordance de plusieurs arguments, dont aucun n’est décisif, peut invinciblement parfaire la certitude accrue par leur nombre.

Une classification sévère, c’est mon opinion, doit séparer vos déductions subtiles, vos savantes conjectures, et vos divinations ingénieuses, de la simplicité sévère des sciences d’Archimède et d’Euclide, où l’évidence même est suspecte ; des théories immortelles de Galilée et d’Huygens, où toute règle est sans exception ; des études définitives de Lavoisier et de Pasteur, où toute expérience, pour être décisive, doit réussir mille fois sur mille, et plus encore, si on prolonge l’épreuve. Je veux préciser.

Vous avez raconté les amours de Tristan et d’Yseult ; légende de grand renom et d’éternelle fraîcheur. La belle Yseult, de race royale et de gentil esprit, disciplinée dès son jeune âge à toute élégance et honnêteté, est accordée, puis mariée à un roi que son cœur n’a pas choisi. Un doux philtre l’égare et l’enivre. Yseult aime son mal et n’en veut pas guérir. Sans lutte ni remords, presque sans mys-