Aller au contenu

Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa parole vive et efficace pénétra jusque dans les cœurs, et quand les derniers les suivirent de près, de douces larmes mouillaient tous les yeux. De telles occasions étaient rares. Pasteur, pour montrer l’éclat de son esprit, attendait qu’on l’y forçât. Un jour, à l’Académie des Sciences, deux contradicteurs opposaient à des découvertes certaines des objections indignes d’attention. Après une réponse foudroyante, Pasteur, les apostrophant tous deux ensemble, dit à l’un : Savez-vous ce qui vous manque ? Vous ignorez l’art d’observer ! et à l’autre : et vous, celui de raisonner ! Un murmure s’éleva. L’Académie protestait contre la dureté de la forme. Pasteur s’arrêta tout à coup. « L’ardeur de la discussion m’a emporté, dit-il, je regrette ma vivacité. Je prie mes confrères de recevoir toutes mes excuses. » On admirait tant de simplicité et de franchise, lorsqu’il ajouta : « J’ai reconnu mes torts, je me suis exécuté de bonne grâce ; ne m’est-il pas permis d’invoquer une circonstance atténuante ? Tout ce que j’ai dit était vrai ! » et, après réflexion, il ajouta : « absolument vrai ! » Un rire universel et bienveillant égaya l’Académie, et, en gens d’esprit, ses deux adversaires y prirent part.

La franchise de Pasteur ne connaissait ni déguisement ni limites. Un jour nous assistions à la première leçon d’un jeune professeur auquel on avait droit d’appliquer la maxime : Supériorité oblige. L’émotion le rendit inférieur à nos espérances. J’allai néanmoins le féliciter, c’est l’usage. Pasteur m’accompagna de mauvaise grâce. Son blâme ne m’épargna pas. « Vous avez tort, me dit-il, il ne faut pas ménager la vérité aux jeunes gens. » Puis, se tournant vers celui qui devait, nous n’en doutions ni l’un ni