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Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/40

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LE SERPENT NOIR

angoisses de ses recherches, tandis que la poudre d’eau nous mouillait un peu le visage. Madame Hélène acheta pour sa fille, à la devanture d’une baraque ruisselante, les photographies du pape refusées par Mme La Revellière aux instances de l’enfant. Je sentis sur mon avant-bras se contracter la main du docteur. Il chuchotait fiévreusement. Dans sa doctrine il avait foi, une foi semblable à celle que tant d’yeux nous révélaient sous les coiffes et les chapeaux de la foule muette. Il croyait conquérir la science, comme ces braves gens croyaient conquérir le ciel. J’eus quelque peine à dissimuler le sourire que cette comparaison mentale me mit aux lèvres. Goulven était ardent. Ses regards voulaient, au fond de mes regards, pénétrer ma raison, l’éblouir de leur propre éblouissement. Une si naïve extase transfigurait mon pasteur de microbes que je pensais à l’adoration des bergers devant la crèche.

Madame Hélène se rapprocha de nous pour l’écouter, tant il lui parut chaleureux. Je soupçonne encore qu’elle s’assimila très peu de notre discussion histologique sur l’action du virus altérant les tissus de l’intestin et des artères, sur la bataille des leucocytes et des bactéries envahisseuses ; néanmoins elle asservit son attention. Je fus flatté de cette politesse qui se continua même à l’hôtel. Mme Goulven ne rentra qu’après le potage. Nous occupions l’extrémité d’une table indéfinie qu’entouraient des prêtres timides et goinfres, des familles provinciales aux gestes rares et sévères, quelques touristes en élégant négligé de route, beaucoup d’écolières pâles : leurs tresses s’accrochaient constamment aux dossiers de leurs chaises. Un escadron de petites Bretonnes