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Page:Aimard - Le forestier.djvu/116

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Le Forestier

Les deux hommes se serrèrent la main, puis l’haciendero sortit, précédé du mayordomo.

— Que le diable l’emporte, dit Michel en fermant la porte et poussant les verrous, j’ai cru un instant qu’il resterait ici jusqu’à demain ! Enfin, nous en voilà débarrassés, ce n’est pas malheureux.

— Je ne suis pas fâché qu’il soit parti, répondit Fernan ; il commençait singulièrement à m’agacer les nerfs ; je ne sais pourquoi, mais il me semblait que ses obséquiosités étaient feintes et cachaient quelque sombre projet que je ne puis m’expliquer.

— La vérité est que cet homme a une véritable face de coquin.

— N’est-ce pas ?

— Il ressemble comme deux gouttes d’eau a un portrait de Judas Iscariote, que je me rappelle avoir vu dans mon enfance, je ne sais ou : bah ! nous prendrons nos précautions, voilà tout.

— Des précautions sont toujours bonnes à prendre, dit Fernan en plaçant son épée nue au chevet de son lit et ses pistolets sous l’oreiller.

— Maintenant, monsieur le comte, visitons la chambre.

— Soit.

Ils s’armèrent de flambeaux, soulevèrent les tapisseries et sondèrent les murailles

Ils ne découvrirent rien de suspect.

— Je crois que nous pourrons dormir tranquilles, dit le jeune homme.

— Moi aussi ! À propos, monsieur le comte, savez-vous que la location de cette maison est un coup de maître, et que vous avez fort habilement mené l’affaire.

— Oui, le bonhomme est rusé, mais il affaire à plus fin que lui ; nous ne pouvions trouver une habitation plus convenable.

— C’est un vrai coup du ciel ; ah ça ! et nos pauvres camarades, les laisserons-nous pendre par les gavachos.

— Non, vive Dieu ! si nous pouvons t’empêcher, d’autant plus que c’est pour nous venir en aide qu’ils sont tombés dans ce traquenard.

— C’est vrai mais dans deux jours nous serons à Panama, et les gavachos seront bien fins si nous ne leur tirons pas nos amis des griffes.

— Et le capitaine, comment le trouves-tu, mon vieux Michel ?

— C’est un charmant garçon, répondit le boucanier en ricanant mais si jamais, ce que j’espère, je mets le pied à bord de sa corvette, je lui apprendrai de quoi sont capables ces ladrones qu’il méprise si fort.

— Bon, c’est un plaisir que je te donnerai bientôt.