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Page:Aimard - Le forestier.djvu/117

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Le Forestier.

— Bien vrai, monsieur le comte ? s’écria-t-il joyeusement.

— Je t’en donne ma parole ; mais chut ! ne parle pas si haut, on pourrait nous entendre.

— Bon, ils dorment tous.

— Et nous ne ferons pas mal d’en faire autant bonsoir Miguel.

— Bonsoir, monsieur le comte.

— Tiens, emporte cette potion et bois-la.

— Vous n’en voulez donc pas ?

— Non, je n’ai pas soif.

— Moi, j’ai toujours soif. Bonsoir, monsieur le comte, je laisse la porte du cabinet ouverte.

— C’est cela, on ne sait pas ce qui peut arriver.

Le jeune homme se coucha ; Miguel sortit après avoir éteint les lumières.

La chambre ne fut plus éclairée que par la lueur tremblotante de la veilleuse.

Miguel tourna pendant quelque temps dans le cabinet, puis le silence se fit ; au bout d’un quart d’heure, Fernan entendit son compagnon ronfler comme un tuyau d’orgue ; le boucanier dormait à poings fermés.


V

Quelle singulière nuit don Fernan passa dans l’hacienda del Rayo


Don Fernan ne dormait pas, bien au contraire ; jamais il ne s’était senti moins de dispositions au sommeil ; les yeux clos, afin de mieux concentrer sa pensée en lui-même en s’isolant des objets extérieurs, il faisait, tout éveillé, les rêves les plus charmants, et se laissait bercer par les plus séduisantes chimères.

Il reconstruisait lentement dans son esprit les divers événements futiles en apparence qui avaient eu lieu pendant le souper et qui, pour tout autre que pour lui, étaient passés inaperçus ; cette entente qui s’était tout à coup établie entre la jeune fille et lui ; le dialogue muet de ces deux cœurs qui, quelques