Aller au contenu

Page:Aimard - Le forestier.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
Le Forestier

— Dans un instant, je vous apporterai tout ce dont vous avez besoin, dans cette armoire il y a du linge et de la vaisselle : préparez la table.

Et il sortit.

— Que dis-tu de tout cela, Michel ? demanda le jeune homme à son compagnon dès qu’il fut seul avec lui.

— Moi je dis que c’est très amusant, pourvu que cela dure.

— Oui, mais cela durera-t-il ?

— Vous m’en demandez trop, mon cher Laurent ; vous savez ma devise : « Laisser venir ». Attendons, comme dit le guide. D’ailleurs, jusqu’à présent nous n’avons pas à nous plaindre, tout nous réussit assez bien, il me semble.

— Trop bien, peut-être.

— Bah ! à quoi bon se chagriner ? le souci tuerait un chat.

— Tu as raison ; mettons la table.

— C’est ce que nous avons de mieux à faire.

Et ils mirent la table.

Trois quarts d’heure plus tard, le guide rentra, il portait avec lui tous les ingrédients nécessaires pour faire un repas excellent et copieux, jusqu’au liquide dont il n’avait pas oublié de se munir. Les aventuriers saluèrent son retour par un cri de joie.


VII

Où il est démontré que ce n’est pas toujours un tort d’écouter ce que disent certaines personnes


La position du capitaine Laurent était en ce moment assez singulière : locataire et par conséquent maître pendant un an de la casa Florida, dont il avait soldé le loyer par anticipation, ainsi que l’écrivent élégamment les notaires, il s’était introduit subrepticement, toujours selon le même style qu’on ne saurait trop louer, dans une maison qui était la sienne, tandis qu’au contraire le propriétaire, qui n’avait plus le droit d’y entrer sans l’autorisation de l’homme auquel il l’avait cédée, allait y arriver par la grande porte, aux yeux de tous, absolument comme s’il était encore chez lui, et pénétrerait dans l’intérieur au moyen de doubles clefs qu’il avait conservées contre tous droits légaux, quelques heures à peine après que le réel possesseur de l’immeuble y avait pénétré, lui, au moyen de ressorts cachés et de couloirs secrets.