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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/394

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C’était le soir.

Il était un peu plus de onze heures.

Au coucher du soleil, un ouragan terrible, connu dans ces régions sous le nom caractéristique de cordonazo, ou coup de cordon de saint François, s’était déchaîné sur la sierra et faisait rage.

Le vent soufflait avec fureur, tordant et déracinant, comme des fétus de paille, des arbres énormes.

Des éclairs verdâtres sillonnaient les ténèbres de leurs cabalistiques zigzags, et se succédaient sans interruption.

Les roulements continus du tonnerre étaient répercutés par les échos des mornes avec un bruit assourdissant.

Çà et là les éclats de la foudre allumaient des incendies, qui allaient se propageant de proche en proche, et teintaient la nuit de lueurs rougeâtres.

Les arbres séculaires brûlaient comme de sinistres phares, imprimant à cette scène de désolation un cachet étrange de sublime grandeur.

Les fauves, chassés de leurs repaires ignorés, fuyaient dans toutes les directions en poussant de lamentables hurlements de détresse.

Dans la caverne tout était calme, tranquille et reposé.

Cependant les hôtes n’y manquaient pas.

Dans un compartiment fermé par une claie en branches tressées, une dizaine d’hommes aux trait sombres, aux physionomies patibulaires, vêtus du costume mexicain, dormaient étendus côte à côte sur des lits de feuilles sèches et d’herbes odoriférantes.

Dans un autre compartiment, leurs chevaux, attachés à des piquets, broyaient leur provende.

Toutes les monturas et les harnais étaient amoncelés près des chevaux.

Des armes de toutes sortes, lances, fusils, rifles et carabines, étaient appuyées contre une des parois de la grotte.

Un peu à l’écart pendaient et se balançaient au gré du vent un bœuf encore intact, bien que dépouillé et ouvert, et plusieurs pièces de venaison.