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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/291

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LES PEAUX-ROUGES DE PARIS


aucune peine pour cela. Ces quarante-cinq mille individus sont des parasites, des fatalistes si vous le préférez, qui s’ingénient à trouver ce problème excentrique : jouir de la vie aux dépens de la masse qui travaille ; et ils y réussissent. Sur chaque échelon de l’échelle sociale, les moyens varient, mais le but est toujours le même. Chaque soir, ces hommes, qui se sont réveillés sans un sou vaillant, se couchent repus, après s’être donné toutes les jouissances qui ne semblent permises qu’aux seuls millionnaires ; et c’est ainsi, chaque jour, depuis le premier janvier jusqu’à la Saint-Silvestre. Remarquez que je ne parle pas ici de ces gredins honteux qui se croient naïvement honnêtes, et dont l’existence n’est qu’un long carottage organisé aux dépens de leurs amis ou même de leurs simples connaissances. Ceux-là pullulent ; ils sont une véritable plaie pour toutes les personnes auxquelles ils s’imposent par leur effronterie et leur impudence. Leur nombre s’élève à plus de cent mille : on les trouve partout ; je ne parle donc pas d’eux, mais seulement des coquins avoués, ceux qui ont toute honte bue, qui n’hésitent pas sur les moyens et atteignent leur but per fas et nefas. Je ne parle pas non plus des femmes, et elles sont nombreuses, qui appartiennent aussi à l’armée roulante pour laquelle elles sont de précieux auxiliaires.

— Très bien ! je crois vous comprendre maintenant : ces quarante-cinq-mille individus se composent de bohèmes de toutes sortes, de déclassés, de repris de justice, de grecs, etc.

— Il y a un peu de tout ; c’est le royaume d’Argot du moyen âge, modifié, amendé et corrigé d’après les impérieuses exigences du progrès moderne.

— Passons ; tout cela est effrayant. Sur combien d’hommes croyez-vous pouvoir compter ?

— Dans quelles conditions ? Il importe de bien s’entendre, afin d’éviter les malentendus : ainsi, pas de restrictions ni d’ambages, je vous prie. Répondez-moi franchement, sinon rien de fait.

— Vous êtes vif, mon maître !

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