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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/433

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Cependant, malgré sa tristesse navrante, elle était encore fort belle : l’expression de sa physionomie était d’une grande douceur et essentiellement sympathique ; elle avait des dents éblouissantes, des mains et des pieds d’enfant, on l’eût prise à sa tournure, gracieusement voluptueuse, pour une Andalouse de Séville ou de Grenade.

La comtesse salua la jeune femme, avec une grande courtoisie, lui indiqua un siège du geste et en prit un autre pour elle-même.

Il y eut un instant de silence entre les deux dames.

L’inconnue regardait la comtesse avec une admiration qui se peignait sur son visage et qu’elle n’essayait pas de dissimuler.

— Vous êtes bien belle, madame ! s’écria tout à coup l’inconnue en langue espagnole, je sais que vous êtes bonne, et je vous en remercie de tout mon âme.

La comtesse fit un mouvement de surprise.

— Vous êtes étrangère, madame ? demanda-t-elle à l’inconnue, en adoptant, comme elle, la langue espagnole.

— Oui, madame, répondit-elle avec une émotion à peine contenue ; je suis née bien loin d’ici, de l’autre côté de la mer, au fond du Mexique.

La comtesse tressaillit, et, regardant l’inconnue avec plus d’attention :

— Au Mexique ! répéta-t-elle machinalement, en proie à une vive surprise.

— Ma famille est d’Hermosillo, dans l’État de Sonora, reprit l’inconnue, les larmes aux yeux.

— Je connais ce pays, madame ; j’y suis allée.

— Je le sais, madame, murmura l’inconnue, presque à voix basse ; et, se penchent vers la comtesse en fondant en larmes : Oui, vous êtes allée dans ce pays lointain, madame, heureusement pour ma fille, ma pauvre enfant, que vous avez sauvée d’une mort horrible, et à laquelle vous avez voulu servir de mère.

Et, saisissant les mains de la comtesse, elle les couvrit de baisers ardents.