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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/132

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— T’as pas l’œil ; j’t’avais dit que non, t’as bien vu ; à preuve qu’il a continué son chemin.

— Ah ! ben, c’est ben possible. Que f’sons-nous ? reprit Fil-en-Quatre. Décarrons-nous, ou battons-nous not’quart jusqu’à c’qu’i rapplique ?

— C’est l’plus prudent, dit la Dèche en haussant les épaules. Le Loupeur n’est pas tendre, et si nous sommes encore roulés, il nous en cuira, tu sais ; il n’aime pas à lâcher ses monacos pour le roi d’Prusse.

— C’est vrai ; c’est embêtant tout d’même ; mais pas moyen d’faire autrement. Reprenons notre satanée faction.

— Bah ! une heure est bientôt passée. Il ne couchera pas là, p’être bien.

— On ne sait pas ; y a des gens si drôles ; y n’savent pas quoi inventer pour embêter les amis !

— Mais comment qu’il fait donc, le Loupeur, pour découvrir comme ça les choses ? qui a pu lui dire que l’Oisive viendrait ici cette nuit ? C’est ce qu’a pas manqué.

— Ah ! quant à ça, ma vieille, ni vu ni connu, parole sacrée, il devine tout, c’est un rude mâle, toujours, c’diable de Loupeur ! Bien sûr il a l’boulanger dans sa manche. C’est pas possible autrement.

— Mais chez qui vient-il ici, c’t’homme !

— Chez un Anglais qu’est Américain ; paraît qu’y s’ont fréquentes dans les temps, quand y étaient dans les pays sauvages.

— C’est drôle tout d’même.

— Oui, mais assez causé ; s’il sortait, par hasard, nous serions paumés et marrons, et j’m’en soucie pas.

— Ni moi non plus. T’as raison.

— N’a pas d’soin, si j’le pince ; je l’manquerai pas.

— Ce s’ra bien fait pour lui.

Tout en causant ainsi à voix basse, Fil-en-Quatre et son ami la Dèche, vieux cheval de retour, dont la vie presque entière s’était écoulée dans les bagnes, se dirigèrent à pas de loup vers l’endroit où ils s’étaient précédemment embusqués.

Les deux bandits marchaient sur la même ligne, très