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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/235

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Enfin, devant une large fenêtre donnant sur la cour, un établi de tailleur, assez grand, sur lequel un homme d’une quarantaine d’années, d’apparence maladive, les jambes croisées, s’escrimait à raccommoder un vieux pantalon de drap gris.

Dans un vieux fauteuil en cuir, à haut dossier et à oreillettes, une grosse femme rousse, âgée d’une trentaine d’années, rouge comme une pivoine, dormait renversée en arrière, et à demi asphyxiée par la chaleur intense du fourneau, dont le fauteuil était beaucoup trop rapproché.

— Aglaure, mon bichon chéri ! cria le mari d’une voix de basse tonitruante, prends garde ; la soupe à l’oignon va s’en sauver.

La grosse femme se réveilla en sursaut et répondit d’une voix mignarde, en se frottant les yeux avec fureur :

— Qu’est-ce que tu dis, monsieur Beauminet ?

— Je dis, mon épouse, répondit magistralement le mari, que si vous n’y prenez garde, toute la soupe à l’oignon va s’évaporer par-dessus les bords de la castrole.

— C’est ma foi vrai ! s’écria la femme en se précipitant d’un bond vers le poêlon, et le retirant du feu.

Le commissionnaire avait tout vu en moins de dix secondes. Il choisit ce moment pour faire jouer le châssis mobile de la porte, et se pencher en avant.

Mais il se recula précipitamment et à demi suffoqué.

Par l’ouverture du châssis, une bouffée de chaleur intense et imprégnée d’odeurs fort peu agréables s’était ruée au dehors, et avait failli étouffer l’imprudent commissionnaire, lequel avait été immédiatement pris à la gorge par une effroyable quinte de toux.

La concierge avait complaisamment attendu que l’accès fût passé, puis elle lui avait dit, avec un engageant sourire et de sa voix la plus mielleuse :

— Que demande monsieur ?

— Madame, répondit le commissionnaire après avoir toussé une dernière fois, j’apporte une lettre à un de vos locataires ; en même temps, il sortit de la poche de sa