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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/237

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Tout en causant avec la portière, le commissionnaire, sans en avoir l’air, n’avait cessé d’examiner attentivement sa bavarde interlocutrice. À ces dernières paroles, il avait, à la dérobée, lancé un regard inquisiteur sur la grosse femme.

Mais la grosse portière disait bien ce qu’elle pensait, sans réticences, et poussée seulement par l’intérêt qu’elle portait à ses locataires, cela était facile à reconnaître.

— S’il en est ainsi, reprit le commissionnaire, je crois que ces braves gens seront heureux de recevoir cette lettre de leur bienfaitrice ; car, ajouta-t-il avec une bonhomie parfaite, on me l’a fort recommandée.

— Pauvres gens ! reprit-elle ; le fait est qu’ils ne roulent pas sur l’or ! Il ne faut pas les faire attendre. Tenez, mon bonhomme, prenez l’escalier M, au « cintième », au fond du « collidor » D, à gauche, au numéro 119, vous frapperez ! c’est là, cent treize marches à monter ; c’est un peu haut.

— Bah ! je suis bien payé.

— C’est vrai ; et puis, vous vous reposerez en route.

— Comme de juste ; je vous remercie bien de votre complaisance, madame.

— Il n’y a pas de quoi, mon ami ; est-ce que les braves gens ne doivent pas s’entr’aider entre eux autant que possible.

— Eh donc ! pour être pauvre, on n’est pas des chiens !

— Vous avez raison, madame.

Ils se saluèrent.

La portière se hâta de refermer son châssis, et le commissionnaire disparut dans l’escalier M.

Après s’être reposé plusieurs fois dans l’escalier, car, en effet, la montée était dure et le brave homme n’était plus jeune, puis, après avoir scrupuleusement suivi les indications minutieuses de la portière, le commissionnaire s’arrêta enfin, avec un ouf ! de satisfaction, devant la porte du numéro 119.

La clef était sur la porte ; il frappa doucement deux coups, et s’essuya le front.