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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/90

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cette heure, surtout aux environs de la rue d’Iéna, et personne ne fera attention à nous.

— Soit, monsieur, marchez, nous vous suivrons, pour plus de sûreté, à une vingtaine de pas en arrière, sur le trottoir opposé à celui que vous prendrez.

— Allons donc, messieurs, dit le bourgeois.

Et, sans plus de conversation, il prit congé des deux hommes, franchit lestement la chaussée des Champs-Élysees et entra dans la rue de Chaillot du pas allongé d’un homme qui rentre chez soi après une promenade.

Les deux rôdeurs de barrière lui laissèrent prendre une assez longue avance, puis ils se mirent en marche à leur tour.

— Que penses-tu de mon bourgeois ? demanda Fil-en-Quatre à son compagnon.

— Je pense qu’il est un bourgeois comme je danse : c’est un homme qui poursuit opiniâtrement l’exécution d’un projet longuement prémédité et profondément conçu.

— C’est aussi mon opinion. Mais comme homme, qu’en dis-tu ?

— Je dis que c’est un rude gars et un redoutable ennemi ; je ne suis pas étonne qu’il t’ait flanqué une si belle pile, car il me semble de taille à nous rosser tous les deux au besoin.

— Jouerons-nous franc jeu avec lui ? reprit Fil-en-Quatre.

— Je le crois bien ! nous avons tout intérêt à le servir s’il paye, bien entendu ; et j’ajouterai que nous risquerions beaucoup à essayer de lui jouer un mauvais tour ; au peu que j’ai vu de son visage, je ne le crois pas homme à se laisser facilement berner.

— Je le crois comme toi, dit Fil-en-Quatre ; d’ailleurs, je me règlerai sur toi et je n’agirai que suivant tes instructions.

— Tu auras raison. Il faut procéder avec la plus grande prudence ; mais, assez causé, voilà notre homme là-bas, il nous attend devant sa porte ouverte, hâtons-nous de le rejoindre.