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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/144

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

Chambre règne et ne gouverne pas. Ses ministres, refroidis par leur métier difficile, lui font le compte du possible et de l’impossible et lui font entendre la voix aigre de la nécessité et les conseils de la sagesse. « J’entends bien, dit l’Exécutif, ce que vous auriez voulu mais la force des choses m’a mis dans le cas de n’en point tenir compte. Voici ce que j’ai pu faire et ce que j’ai fait. » Suivent les fortes, les invincibles raisons, qui s’adressent en réalité au peuple même, plus sensé que son roi. Cela fait voir que les constitutions plient devant l’opinion et les mœurs. Les historiens ont là-dessus quelques lumières. La constitution de la République Romaine, une des plus puissantes que l’on ait connues, suffisait à tout par la force des mœurs et l’empire de la nécessité, quoique ses rouages dussent, selon les prévisions théoriques, buter les uns contre les autres au premier mouvement. Notre République, en une situation difficile, montre aussi une souplesse étonnante. En vérité, c’est l’Exécutif qui interpelle au nom du peuple, et les choses n’en vont pas plus mal.

Ce qu’il y a de vrai dans les thèses royalistes devait finir par se montrer. Ils disent bien qu’un roi représente mieux l’intérêt de tous et l’esprit public que ne peuvent faire les puissances d’un moment, toujours groupées autour de la richesse ancienne ou récente. Ils pourraient dire aussi que l’exercice réel du pouvoir fait aussitôt connaître d’un côté les résistances de l’ordre économique, de l’autre, les résistances politiques ; par quoi l’opinion et le bon sens devraient s’asseoir ensemble sur le trône. Seulement, dans le fait, il arrive toujours que celui qui règne par droit de naissance est tenu de près par les puissances,

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