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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

pas d’institution ; il faut la refaire tous les jours.

Nos prolétaires ne sont pas encore délivrés de cette idée, qui est métaphysique aussi, c’est que les patrons ayant pour règle de payer les ouvriers le moins possible, il faut supprimer les patrons. Mais pourquoi se priver de coopérateurs qui ont appris un métier difficile ? Le prolétariat organisé aurait une puissance invincible ; on verrait et l’on a vu déjà comment l’opinion commune acclamerait le cortège des travailleurs, si seulement ils jetaient toutes leurs armes. Mais la guerre est plus facile à conduire que la paix. Il est plus facile de mener les citoyens aux barricades que d’obtenir qu’ils observent et jugent à chaque instant. Bref il est plus vite fait de détruire que de construire.

Les pouvoirs sont arrogants en guerre, inquiets et flexibles en paix, comme on a vu et comme on voit. Cette loi trouve son application dans les luttes intérieures aussi. La presse, tant calomniée par les journalistes, est toujours plus juste qu’on n’attendrait, par le jeu des rivalités et par le besoin d’étonner, qui font que tout ce qui importe est bientôt connu. Que pourrait-on attendre, et que ne pourrait-on pas espérer si les journaux, au lieu de se servir des ambitions, exerçaient seulement la fonction du spectateur et du juge. Et, au lieu de dire que c’est impossible, il faut le faire, comme nous faisons en ces feuilles, menant cette bonne révolution qui vise moins à détrôner les rois qu’à les rendre sages.

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