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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/216

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

« Ce n’est pas si simple », me dit quelqu’un. Je n’en doute pas. Je ne crois pas tenir là un grand secret ; mais plutôt une méthode pour déchiffrer Richesse et Pauvreté, qui me jettent au nez l’une et l’autre des diamants faux et des haillons choisis. Faites attention qu’ici les apparences sont trompeuses encore plus qu’ailleurs, et en deux sens. Car la Vanité montre de fausses richesses, et l’Avarice cache les vraies richesses ; et la Mendicité étale de faux haillons, pendant que la Pudeur cache la pauvreté réelle. Non point par hasard ; puisque nous voyons qu’un marché juste s’établit par une double ruse, de l’un qui surfait et de l’autre qui déprécie. Ce jeu des Richesses et des Pauvretés ressemble aux jeux de l’escamoteur. C’est pourquoi, au lieu de vouloir suivre des yeux la muscade, puisque tout est disposé pour me la cacher, je ferme les yeux, et je me répète qu’elle n’est point détruite, et qu’elle n’a jamais cessé d’être quelque part. Pareillement je veux fermer les yeux aussi devant les fantasmagories du budget public et de la bourse privée, et reconstruire en idée quelque machine simple qui sera comme l’élément de la chose. Non point vrai, car aucune idée n’est vraie ; mais non point faux ; instrument, plutôt, comme toute idée.

Il est assez clair que si un peuple double par quelque expédient toute sa monnaie, quand ce serait même l’or trouvé sans peine, il ne peut pas devenir plus riche par cette opération. Quand il s’agit de papier monnaie, la chose est aussitôt évidente. Il faut donc bien que chaque pièce de monnaie ou chaque billet perde par cela seul la moitié de sa puissance d’achat ; et c’est ce qui arrive dès que la nouvelle monnaie est

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