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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/65

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LA GUERRE NAÎT DES PASSIONS

lation et de l’émigration est biologique ; nul n’y peut rien. Supposons une infiltration d’étrangers par centaines de mille, et d’étrangers qui restent étrangers, le problème Silésien peut se poser en Champagne. Ainsi la guerre se montre, mais elle est moins effet que cause ; c’est parce qu’elle se montrait d’abord que les difficultés s’élèvent. Si les pensées étaient occupées de bonne entente, d’association, d’échanges fructueux, et non point de guerre, le fleuve humain coulerait lentement du continent vers nos rivages, comme il a toujours fait, et les Français ne craindraient nullement de devenir Allemands par cette force du nombre, évidemment invincible ; au contraire les immigrants Allemands deviendraient Français. La France a toujours dû sa nature propre à de tels mélanges ; et je crois que toujours la géographie vaincra l’histoire.

Au sujet des provinces disputées, même remarque. Car, à ne considérer que le régime de Paix, on ne voit point qu’un pays s’enrichisse par l’annexion d’un territoire. Je vois bien de nouveaux contribuables, mais il n’est plus question, en notre temps, de lever le tribut sur les populations sans leur rendre en services publics l’équivalent de ce qu’elles paient. Un État n’est pas un commerçant : ses bénéfices d’administration sont naturellement nuls ; ils doivent l’être. Ainsi quand on dit que la nation acquiert des mines précieuses, ou de riches terres à blé, ou de beaux vignobles, on ne dit rien de clair ; ce sont des individus qui possèdent ces choses, et qui en tirent profits ou pertes selon leur talent. Au reste rien ne m’empêche d’avoir des biens en Allemagne, rien n’empêche un Allemand d’en avoir chez nous. Mais

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