Aller au contenu

Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frayant pour elle, je le vis bien. Mais enfin elle avait peur ; sur cette image toute simple, elle avait rendez-vous chaque soir avec la peur. Il fallait la changer de chambre, et c’est ce qu’on fit. Il ne faut point se hâter de dire que l’enfant imagine quelque forme humaine derrière chaque chose et embusquée. Moins encore, et pour mieux dire absolument rien. Les récits de génies et de lutins sont sans doute un commencement de remède à la peur sans objet ; l’art de David commence là.

C’est une chose connue que l’on n’arrive pas aisément à craindre par raisons. Si étrange que ce soit, si on ne commence pas par avoir peur, on ne formera qu’une idée de crainte, presque sans matière. De même on ne haïra pas si on ne commence par être triste, et on n’aimera pas si on ne commence par être heureux. Ici se montre un ordre dans nos affections, qui est toujours de bas en haut, et qu’on ne peut redescendre. Comme on n’arrive pas à