Aller au contenu

Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souvent dans les dangers, surtout quand l’échange des signes n’engendre pas la peur épidémique. Et au contraire un chant religieux peut enlever la peur, et dans le danger le plus terrible et le plus évident, comme on dit qu’il arriva sur le Titanic. Je ne sais jusqu’où peut aller la puissance héroïque ; mais toujours est-il que la peur importe bien plus à l’homme que le danger. On peut chanter en marchant au combat ou au martyre ; ce qui se passe sous la douleur même ne change pas l’événement, car la griffe va vite. Et, selon ce que je conjecture, le moment des catastrophes qui nous rompt, n’est objet ni de crainte, ni de peur, ni même de souvenir, si ce n’est dans les témoins.

On voit ici de nouveau, et de plus près, pourquoi un récit est toujours trompeur. Mais l’analyse des causes permet de faire un pas de plus vers les dieux. Car il est clair que rien ne donne mieux la peur qu’un récit. Je disais qu’il importe peu