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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/110

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que les objets décrits ne soient pas présents ; je comprends maintenant qu’il importe beaucoup qu’ils ne le soient pas. Sans doute suffit-il que les perceptions soient assez brouillées pour qu’on croie voir, ou pour qu’on craigne de voir, comme il arrive dans l’antique veillée paysanne, où la chandelle éclaire mal les parties reculées de la grange ; on ne voit bien alors que le narrateur, et l’on prend assez aisément les affections qu’il exprime pour que l’on croie n’importe quoi. La veillée du Médecin de Campagne décrit assez ce théâtre, bien plus émouvant que les monstres d’opéra. Mais, passant sur le conte héroïque, qui côtoie l’histoire commune, on s’instruira mieux sur la puissance du récit en lisant la Bossue Courageuse, qui appartient au même épisode, et qui, partant du vraisemblable, et sauvant d’abord la peur par le courage, arrive aux limites de l’épouvante dans la paix retrouvée qui suit le danger réel ;