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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/16

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plus savoir ni où il est, ni ce qu’il voit, ni ce qu’il fait. Il est assez clair que nous sommes tous un peu fous en ce sens-là, et que toute sagesse consiste à éliminer autant qu’on peut cette part de soi-même dans ce qu’on connaît. Qu’on y arrive, c’est ce que montre la suite des sciences ; qu’on n’y arrive pas sans peine, c’est ce que fait comprendre cet ordre de l’abstrait au concret que nous sommes forcés de suivre ; ce qui est prélever, dans la masse de notre continuel ébahissement, d’abord les nombres et les distances, et puis les mouvements, et puis les effets de choc et de rencontre, et puis les combinaisons intimes que l’on nomme chimiques, qui nous amènent, par un chemin pénible, à comprendre quelque chose des mouvements de la vie, jusqu’à nous conduire enfin à nos propres passions ; ce qui fait voir que la cause de nos erreurs n’avait été éliminée d’abord que provisoirement, et que les perturbations du sujet connaissant doivent finale-