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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/44

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lui-même quelques biens par son industrie, on se serait moqué de lui ; car ces travaux étaient bien peu de chose devant les immenses provisions que détenaient les géants ; et d’ailleurs le pied des géants écrasait souvent sans façon, et même sans le vouloir, ces petits commencements de travaux. C’est pourquoi toute la sagesse humaine revenait toujours à savoir parler et à savoir persuader ; et, au lieu de changer les choses à grand’peine, on choisissait d’apprendre les mots qu’il fallait dire pour amener quelque géant à faire ce même changement sans apparence de peine. Et bref la grande affaire, ou pour mieux dire la seule affaire, était de plaire, et d’abord de ne pas déplaire, à des maîtres incompréhensibles, qui semblaient pourtant avoir la charge de nourrir les hommes, de les abriter, de les transporter, et qui finalement s’acquittaient de ces soins, mais toujours en se faisant prier. Ce genre d’existence, où les hommes ne savaient jamais