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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/61

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valeur. Mais, d’après ces apparitions de choses désirées, et jusque-là renfermées et invisibles, on comprend aussi que le fantastique n’est nullement inventé ; il est dans l’expérience même.

L’idée, donc, d’un univers comestible, est l’exemple le plus remarquable peut-être, et le plus naturel, d’une idée d’abord constamment vérifiée, quoique fausse. Et l’homme fait croira toujours trop que le problème du partage est le premier et le principal ; d’où il entrevoit quelquefois comme dans un rêve, qu’il y aurait assez de biens sans l’avarice de quelques-uns. C’est croire que la somme des biens consommables est quelque part enfermée ; alors que l’existence humaine serait aussitôt impossible si les travaux s’arrêtaient. L’existence des populations nordiques, qui déchirent la graisse de phoque, toute crue, et boivent le sang de l’orignal, représente mieux notre difficile situation que ne font les contes des pays chauds, où nous imagi-