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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/60

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LETTRES D’ALAIN

choses, il faut choisir », quoique le plein sens de cette belle formule ne puisse être saisi que si l’on entend que le sentiment généreux porte aussi la pensée ; à quoi il faudra bien arriver. Mais je m’en tiens aujourd’hui au commun amour, et je demande si c’est aimer, que se résigner d’avance à ne plus aimer, l’attendre, et même secrètement le souhaiter. Cet état de guet et de défense est au contraire le mépris parfait, et, par cette remarque, vous expliquerez assez le jeu des passions de l’amour, et la colère homicide qui, si souvent, s’y montre. Car qui ne tient pas le consentement ne tient rien ; il reçoit l’amour comme le soleil et la pluie ; et qui aime sans consentir se garde étranger et se sent prisonnier ; d’où l’humiliation des deux parts, et la haine au fond des yeux. Aussi je conclus, sans aucun risque de me tromper, que pour aimer il faut vouloir.