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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/108

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XXX

LE MAÎTRE DE CHAPELLE

S’ils ne sont pas vertueux, faisons-leur un cours de morale. Et, s’ils sont crédules, un cours de pensée. Et s’ils méconnaissent le passé humain, un cours d’histoire. Quand je pense à tous ces cours, où le plus savant travaille tandis que les ignorants ne font rien qu’écouter, je veux imaginer un professeur de violon qui jouerait continuellement du violon devant ses élèves, sans jamais leur mettre en mains l’instrument et l’archet. Or un tel professeur de violon ferait rire. Pareillement ferait rire un maître de peinture qui admettrait ses élèves à l’honneur de le regarder peindre. Toutefois il ne semble point étrange qu’un enfant passe des heures à écouter le maître. On sait bien que c’est en lisant qu’il apprend à lire, et en écrivant, à écrire, et en calculant, à calculer. Mais il faut qu’il écoute la physique, au lieu de mesurer, peser, essayer. Il faut qu’il écoute l’astronomie, au lieu de marquer sur les murs d’un couloir les voyages du soleil au cours d’une année. Et qu’il écoute des raisonnements, au lieu d’en faire de son cru.

Une fillette qui veut apprendre le piano commence par répéter des centaines de fois les mêmes mouvements, sous la surveillance d’une maîtresse

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