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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/281

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LXXXI

LE COURAGE

Le ressort moral est moins dans l’usage de certaines règles que dans l’énergie même des résolutions. Tel homme de probité stricte se trouve sans ressource devant le malheur. Tel autre, avec moins de délicatesse, croit, lutte, persiste, et à la fin trouve l’occasion de repartir. La probité est-elle d’un plus grand prix que le courage ? Je ne sais. Il faudrait les deux. Mais si l’on me demande lequel j’enseignerais, je réponds que j’enseignerais le courage.

Il y a plusieurs parties dans le courage ; et l’on peut les exercer toutes. La première consiste dans le départ prompt de l’action volontaire, même quand il s’agit d’obéir. Renouvier nommait procrastination la manie de remettre et d’attendre ; ce mot ridicule peut attirer l’attention sur la chose désignée, qui ne l’est pas moins. Je considère, au contraire, comme de grande vertu, de vouloir librement, et à temps choisi, ce que l’on sera de toute façon forcé de faire. Presque toute notre vie est esclave, si nous attendons que la nécessité nous pique ; toutefois les mêmes actions sont libres dès qu’on les veut, comme sortir du lit avant la dernière minute. On dira que le résultat est toujours le même ; mais l’attitude est bien différente selon que l’on garde ou non l’initia-