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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/295

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SOCRATE

me semble point bon, s’il ne me semble point bon. Si ignorant que je sois, ou plutôt parce que je suis ignorant, il faut que je m’attache à ce devoir de ne rien reconnaître pour vrai que ce qui m’apparaîtra évidemment être tel. J’ai lu que Descartes s’était donné cette règle ; et j’ose dire qu’elle est encore meilleure pour moi que pour lui. Car combien de fois ai-je jugé sans savoir ? Combien de fois n’ai-je pas dit comme les autres, entraîné par l’autorité, par l’intérêt, par l’amitié ? Mais j’ai reconnu que cela n’est point digne d’un homme. Et parlons franchement, si je considérais comme prouvées les doctrines que vous soutenez, alors qu’à peine j’y vois clair, et cela pour recevoir vos éloges, ou une bonne place, n’est-ce pas alors que je ressemblerais à un chien qui fait le beau pour avoir du sucre ? Eh bien donc, puisque nous sommes d’accord là-dessus, je choisis d’être un homme, et j’attends vos preuves ».

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