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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/52

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

sur nous. Un homme ferme et même inébranlable dans son jugement sur nous nous donne force et consistance. Il est très rare que l’on trahisse celui qui fait toute confiance ; mais au rebours la défiance est une excuse et presque une raison à la tromperie. Aussi je vous souhaite d’être adopté ou repoussé dans l’instant. Un franc départ fait toute une vie. L’homme qui ne se trompe jamais n’existe pas ; toutefois c’est beaucoup de ne point croire volontiers que l’on s’est trompé ; et cette condition fait qu’on se trompe moins en effet, par l’impulsion énergique que l’on donne à ceux que l’on choisit. Voilà pour le maître.

Quant au serviteur, s’il a l’intuition d’un accord de nature entre son maître et lui, il y gagne beaucoup, et même il y gagne tout. Car il y a deux manières d’entendre le service. On peut critiquer et même intérieurement refuser tout ce qui vient d’en haut, ne voir que les travers, l’incohérence, les petitesses ; les preuves ne manquent jamais. Mais cet état d’esprit ne vaut rien et ne mène à rien. Les militaires, qui connaissent à fond cette question, font entrer l’approbation et même l’admiration dans le devoir d’obéissance. Aussi lorsque l’on se sent porté comme par un vent favorable vers un maître, lorsqu’on se sent disposé, sans autres preuves, à lui donner un immense capital de confiance, cette situation est par elle-même bonne et doit être préférée à toute autre. Car on ne sait jamais assez que l’approbation rend toujours meilleur non seulement celui qui la donne,