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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/53

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L’INTUITION

mais même celui qui en est l’objet ; au lieu que j’ai toutes raisons de penser que le blâme ne sert jamais à rien. Il y a donc avantage sans mesure, si on le peut, à travailler avec des hommes qu’on a choisis sans hésitation et de premier mouvement ; cet heureux commencement est presque toujours sauvé.

C’est ainsi que se font les rois. Leur prestige ne cesse jamais de les assurer d’eux-mêmes ; cette confiance est le chrême des rois. Jamais un roi n’est critiqué sans regret. C’est parce qu’on l’aime qu’on l’abandonne. La monarchie est donc fondée dans les secrets du cœur humain. On aime un maître parce qu’on le porte. Ce contrat entre le roi et le sujet n’est pas assez compris. On rit des infaillibles, alors que cet attribut est naturellement juré par l’esclave. C’est de la même manière que les amitiés se font, non pas par prudence et examen, bien plutôt par un choix d’instinct qui devient bon parce que l’on s’y fie. On n’a pas la foi au commandement ; cependant quand on l’a, il y faut voir le seul, le vrai présage.