Aller au contenu

Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
MINERVE OU DE LA SAGESSE

vont ; et ils savent très bien qu’ils ne le savent pas. Mais ils jouent le jeu. Et quant aux résistants, on pourrait vouloir dire qu’ils sont prudents comme des escompteurs ; car c’est leur rôle, on le sait, de conserver et de couvrir de leurs mains l’ordre tel quel ; et cette thèse ne manque pas de preuves. Dans le fait ils ne cessent point, eux non plus, de faire pencher la barque par des mouvements inconsidérés. Ils font équipe, ils jouent le jeu. Cette monnaie, qu’ils juraient de sauver, comme ils travaillaient bien à la faire aller par le fond, du moment qu’il s’agissait de gagner la partie ! Les intérêts publics ou privés ? Oubliés ; absolument comme un vrai joueur de ballon ne compte pas une culotte déchirée. Cette générosité, qui s’est vue à plein dans la guerre, est l’âme de tous les plaisirs vifs. Au rebours, le calcul de l’intérêt est parfaitement ennuyeux. Il faut pourtant le faire. Et plût aux dieux que la politique fût d’intérêt toute ! La démocratie, avec son vote secret et ses pouvoirs révocables, voudrait bien réduire les actions communes à la règle de l’intérêt bien entendu. Toujours est-il qu’elle n’y arrive point.

— 56 —