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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/66

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

La société irait passablement par le bon sens. Tout le monde sait qu’une grève bien préparée, et dans un temps de profits démesurés, obtiendrait aisément satisfaction. Mais il y a mieux à dire ; la seule préparation suffirait ; le tranquille jugement suffirait. Au contraire, colère ramène à coutume. De même les mutineries militaires, qu’elles réussissent ou non, conduiront à un régime militaire. Tout mouvement vif est militaire. Nos religions enseignent toutes la paix, et elles font toutes la guerre. Pourquoi ? Parce qu’elles reposent toutes sur la peur d’examiner, sur la peur de penser. Ainsi les paroles sont fraternelles, mais le ton est violent. Celui qui s’en échappe ne sait pas peser ; il voudrait forcer. Tous les fanatiques nous poussent au même point. Nous devons rechercher un genre de pensée sans peur aucune, qui prenne tranquillement mesure des hommes et des idées. Tous les maux politiques viennent de ces grandes peurs qui secouent l’animal aux mille têtes. Donc ne pas craindre, ne pas haïr, et tranquillement juger.

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