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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/86

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

ment que bien penser est une chose que l’on se doit à soi-même, et qu’il faut vouloir. Ainsi l’homme n’est pas un spectacle permis à lui-même ; ni permis, ni possible.

Nous voilà donc retiré de psychologie ; il y a de ce côté une sorte de barrière qu’il ne faut pas franchir. Que devient alors l’âme ? Elle se maigrit comme les martyrs et se purifie en son retirement. Ce sont des moments d’éternité. Ce sont, dirait Spinoza, les moments où l’on aime Dieu. Voici donc une planche pour ceux qui veulent se garder une religion. Toutefois les mots n’y font rien. C’est toujours par une sorte de religion que l’on forge son propre caractère et que l’on fait agir, en quelque sorte, l’esprit commun. Qu’est-ce qu’un homme qui compte ? Qu’est-ce qu’un grand homme ? C’est un homme qui sait que le changement se fera selon ses propres pensées. C’est seulement en ce sens que nous cherchons des chefs et des maîtres. On voit bien qu’un homme a du pouvoir, et contribue, par exemple, à dissoudre un certain capitalisme. Mais il faut savoir pourquoi il est ainsi. C’est certainement par les pensées qu’il est ainsi. Seulement il ne faut point céder à dire qu’il est ainsi par la nature. Car un homme qui pense droit par la nature n’est plus un homme.

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