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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/104

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sés ; il leur faut d’autres âmes, et qui soient déjà mortes plus d’une fois. Déjà mortes ? Mais que fait leur âme et la nôtre, sinon mourir et revivre en ces pensées qu’il faut toujours refaire ? Seulement, il fallait un peu de temps avant de contempler la mort de Socrate sous l’aspect de l’éternel. Par une rencontre de malheur, qui ne fut malheur qu’un instant, Platon n’assista point Socrate en cette mort. Et cette mort, par cette absence, commença d’exister. Ainsi l’absence est jugée.

Au reste, après cette recherche émouvante, et cette chasse aux ombres, c’est encore Socrate qui nous rassure, ramenant ce passé et cet avenir à soi. Cette vie future, c’est un risque à courir, et ce risque est beau ; maintenant beau. Il est beau maintenant de faire comme si l’on y croyait et de s’enchanter soi-même. Or, les raisons pourquoi cela est beau et pourquoi celui qui s’enchante discipline comme il faut l’imagination, ces raisons paraîtront dans la suite. Mais il faut maintenant rechercher ce que signifie cet enchantement, et quel genre d’être il fait être.