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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/115

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je puis être et pis, et qui, tel que je suis, m’a reconnu immortel, j’ai donc écrit au devant de ce chapitre le nom d’Alcibiade, mauvais compagnon.

Socrate l’aimait. Socrate l’aimait parce qu’il était beau. Mais n’ayez crainte. Socrate est grand et pur. Socrate s’est sauvé tout ; qui ne se sauve pas tout ne sauve rien. Seulement il ne faut point lire d’abord le Banquet, scandaleux mélange. Toutefois à ceux qui s’étonneraient du Banquet, comme à ceux qui croiraient ici descendre au-dessous d’eux-mêmes, je demande ce que l’on fait dans un banquet, ce que broient les fortes dents, de quelle huile épaisse se nourrit cette flamme de la pensée. Mais puisque le commun des hommes n’est pas disposé, comme est Socrate, à vider la grande coupe de huit cotyles sans être ivre, je conseille de lire d’abord le Premier Alcibiade, toujours neuf pour tous, toutefois assez familier aussi, puisqu’on y voit la plus brillante vertu tourner à mal, après avoir brillé un moment sur l’apparence politique. On y voit que Socrate poursuivait Alcibiade de ses yeux fixes et