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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/116

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émerveillés. C’est que la beauté est un signe de la sagesse ; et tous le savent ; tous comprennent ce que la miraculeuse Grèce ne cesse de dire par ses statues. Mais une statue n’est que marbre. Combien plus émouvant est l’homme en sa fleur, quand, par ses moindres traits, il annonce un juste équilibre, et la participation de tous les membres à l’esprit gouvernant ! Miracle, annonciation. Ainsi Socrate suit des yeux cette forme parfaite, guettant cette âme, admirant cette avance merveilleuse, cette grâce, cette marque de Dieu. Attentif, et non sans reproche ; Alceste de même ; car tout homme pressent qu’une grande âme est aussi quelque chose de menaçant, et de puissante ruine. Ainsi Socrate le regarde, Socrate qui n’eut point cette grâce d’être beau. J’oserais dire qu’il le regarde avec une sorte de noble jalousie. Tout promettre, et tout refuser ! Printemps, espoir du monde, et déjà glaciale déception. On sait que la vie d’Alcibiade fut d’abord frivolité, corruption, vanité proverbiale ; et que la fin, d’intrigues, de bassesses, de trahisons, fut la plus méprisable peut-être