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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/144

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tion est possible entre le désir et la raison dans le même homme, et aussi entre la colère et le désir ; mais une idée étonnante, et de grand prix, nous est en même temps jetée comme en passant, c’est que, dans le conflit entre la colère et le désir, la colère est toujours l’alliée de la raison. Ainsi, si vous voulez comprendre ce que la passion reçoit du désir, qui est peu de chose, et, au contraire, toutes les nuances de l’irritation et de l’emportement qui colorent notre vie moyenne, regardez à cette force galopante, qui s’excite de son propre bruit. Mais si vous voulez toucher le lieu du sentiment, et le secret de ses mouvements partagés entre raison et désir, visez encore ce centre d’enthousiasme, et ce bonheur de dépenser. Les analyses modernes oublient communément ce troisième terme, la colère, et s’évertuent à composer l’homme de désir et de raison seulement. C’est oublier l’honneur ; c’est oublier les jeux jumeaux de l’amour et de la guerre.

Tenant maintenant tout l’homme, nous tenons la justice de l’homme. Nous la tenons, car elle est dans le cercle des chasseurs, com-