Aller au contenu

Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 157 —

vent des signes qu’on leur jette. Comme Orion dans la nécromancie de l’Odyssée, ombre de chasseur poursuivant des ombres de bêtes.

Il y a pourtant des injustes qui se plaignent, et qui se disent malheureux. Heureux, disait Socrate, si le choc du malheur les avertissait. Heureux celui qui est puni. Mais c’est ici qu’il faut observer les ombres, et revoir en pensée tous les degrés du savoir. L’opinion jamais ne juge par l’idée. L’ambitieux déçu juge qu’il s’y est mal pris, entendez qu’il essaiera encore le même mensonge, les mêmes intrigues ; le malheur le confirme. Le malveillant de même ; il cherche quelque nouvelle ruse, quelqu’autre manœuvre ; il attend une occasion meilleure, et méprise un peu plus. Un avare volé se plaint d’être volé, il ne se plaint pas d’être avare. Le tyran à son tour emprisonné ne rêve que tyrannie et prison. Le tyran chassé lève une autre armée. Et le vaniteux humilié rêve de vanité triomphante. Ce qu’ils espèrent vaut tout juste ce qu’ils ont perdu. Laissez-les descendre.

Au vrai il n’y a que le sage qui, comparant