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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/162

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ni le pouvoir de mépriser en consolation des douleurs de l’humilié ; mais cette confuse idée se montre toujours assez et trop dans nos prières. Car c’est le penchant commun de rapporter le bonheur et le malheur à des rencontres, aux aspérités des hommes et des choses, à l’infirmité du corps. En ce jeu de l’autre vie, soit qu’on la regrette, soit qu’on l’espère, l’intention est toujours accomplie et purifiée de rebondissements, par une prévenance des choses ; et c’est ce que l’on appelle un meilleur sort. Et ce même pouvoir, cette providence hors de nous, de même qu’elle accomplit les âmes bienveillantes et faibles, redresse aussi les méchants par un choix de circonstances, distribue aux insouciants les trésors de l’avare, et élève au pouvoir celui qui a craint, pendant que le tyran est à son tour esclave ou prisonnier. Ce sont d’autres temps, ce sont d’autres lois, ce sont d’autres vies ; ce sont des degrés de purification par l’expérience ; ce sont des leçons par l’opinion et par la perception ; des mondes mieux faits, ô Timée ! Toutefois l’imagination populaire pressent que l’âme résistera aux effets et ne