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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/165

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l’athlète qui se plaît aux luttes, c’est le géomètre qui se plaît aux preuves, et c’est l’homme de bien qui se plaît à la vertu. Toutefois, parce qu’elles sont privées pour la plupart de la connaissance par l’idée, il leur manque encore autre chose ; elles n’ont point l’explication de leur malheur par les vraies causes. Elles croient qu’un tyran est bien imprudent s’il ne se fait pas d’amis ; elles ne savent pas qu’un tyran n’a point d’amis. Si le glorieux est humilié, si le prétentieux est sot, si le jaloux est trompé, elles ne voient pas comment les effets résultent des causes en ces destinées ; mais plutôt elles croient qu’ils ont eu mauvaise chance, ou qu’ils ont péché par légèreté et inattention. Et ceux qui sont d’un caractère difficile, et rebutés de partout, ils prennent bien la résolution de choisir mieux leurs amis, dans cette nouvelle vie où ils vont entrer. Aussi comme elles sont agitées, ces âmes, à l’idée de choisir, de recommencer tout à neuf, de tout changer, mais sans se changer ! Vous devinez que, faute des lumières de la sagesse, tous ces caractères assemblés là choisissent d’être