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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/166

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de nouveau comme ils étaient ; ainsi l’ivrogne choisit de boire, et le joueur, de jouer, et l’ambitieux, de régner, et l’insolent, de mépriser, pensant tous éviter les suites de ce qu’ils sont comme on évite une borne ou un fossé. J’abrège à regret. Il faudrait transcrire, car ce conte est sans doute le plus beau conte. Er vit, entre autres choses, que l’âme d’Ulysse, qui avait tant vu et tant réfléchi, ne choisissait pas trop mal. Mais bien ou mal choisi, c’est choisi sans retour. Chacun portant le destin de son choix sur l’épaule, on les conduit alors au fleuve Oubli, où tous boivent. Et les voilà de nouveau sur la terre, exerçant leur vaine prudence, et accusant les dieux. Travaillons, dit Socrate après ce récit, travaillons à penser droit, afin de faire un bon choix. Sur ce conseil se ferme La République.

Platon maintenant refermé, c’est à nous, je pense, à saisir au mieux le sens de ce conte. Car nous avons aperçu, en notre sinueux voyage, plus d’un éclair qui nous a montré l’homme et l’humaine condition. Nous commençons à savoir un peu que Pla-