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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/167

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ton n’a point menti. Nous soupçonnons que ce mélange de raison et d’imagination, que ce sourire et ces contes de bonne femme, sont justement ce qui convient à notre nature enchaînée. Par la vertu de ce conte, nos pensées sont debout, j’entends celles qui dormaient. Peut-être a-t-on compris, d’après tout ce qui précède, que ce n’est pas notre raison qui a tant besoin de raison. Prenons donc occasion de faire maintenant deux ou trois remarques, bien près de terre, et qui nous feront entendre que ce conte est bien pour nous.

Premièrement, je remarque que nos choix sont toujours faits. Nous délibérons après avoir choisi, parce que nous choisissons avant de savoir. Soit un métier ; comment le choisit-on ? Avant de le connaître. Où je vois premièrement une alerte négligence, et une sorte d’ivresse de se tromper, comme quelquefois pour les mariages. Mais j’y vois aussi une condition naturelle, puisqu’on ne connaît bien un métier qu’après l’avoir fait longtemps. Bref, notre volonté s’attache toujours, si raisonnable qu’elle soit, à sau-