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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/21

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encore tout Platon, comme on verra. Qui n’aperçoit pas le bien au delà des idées perd même les idées. Ce grand point de perspective, et plus qu’essentiel, oriente toutes nos avenues, et de plusieurs manières, qui sont toutes vraies. Il faut premièrement savoir que le Socrate qui interroge, qui ne sait rien, qui ne prétend point, qui se résigne à ignorer, qui veut loisir, qui bientôt s’échappe, n’est encore que l’extérieur, le Socrate qui participe aux jeux du discours, soucieux seulement de ne s’y point laisser prendre comme dans un piège. Le vrai Socrate, c’est d’abord un homme sans peur, et un homme content. Sans richesse, sans pouvoir, sans savoir, et content. Mais il y a bien plus en ce douteur. Comme le doute est déjà le signe d’une âme forte, et assurée de penser universellement, ainsi l’indifférence aux biens extérieurs et à l’opinion est le signe d’un grand parti bien avant toute preuve. Cette fermeté qui se tient au centre des discours est représentée dans le Gorgias, et au commencement de La République. Le plus puissant discours des hommes d’État ex-