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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/62

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emporte, elle élève le lecteur ; elle étend et élargit le monde ; elle nous y jette, elle nous y promène, comme en une patrie qui convient à nos natures composées. Mais j’espère montrer aussi que la métaphore est toujours telle, en ce poète de la poésie, qu’elle ne peut jamais nous tromper, et que, comme la parabole évangélique, elle nous renvoie invinciblement à une idée, mais à une idée qui est devant nous, dans la métaphore même. Je suis assuré que Platon a surmonté ces idées qui sont objets, et qu’il a au moins entrevu, et c’est trop peu dire, ces autres idées qui sont les idées, et que l’imagination ne peut saisir.

La doctrine de Platon portait plus d’avenir qu’aucune autre ; et sans doute est-il plus facile aujourd’hui d’entendre Platon qu’il ne le fut jamais. La formule, qui nous est maintenant familière, donne à l’idée une sorte de corps délivré de ressemblance, et qui laisse mieux deviner l’idée que ne fait la figure géométrique, visage ambigu. Mais, d’un autre côté, la figure géométrique nous est une épreuve plus sévère, et que peu surmontent,