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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/63

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car il est plus agréable de voir la géométrie que de l’entendre. Et toutes les difficultés, ou plutôt les facilités, que l’on trouve à Descartes et à Spinoza, résultent de ce que l’on n’a pas bien surmonté l’épreuve propre au géomètre. Or, là-dessus, au sixième livre de La République, Platon a dit ce qu’il faut dire, et mieux que personne. La figure géométrique n’est qu’un reflet, une image de l’idée. L’œil la perçoit, et de cette perception l’esprit reçoit un certain secours, comme de police, par rapport à la partie épaisse et violente de notre nature. Mais, en même temps qu’il perçoit l’image, le géomètre fait continuellement attention à ceci, que l’image n’est point l’idée. Dont témoignent les démonstrations elles-mêmes, qui sont, comme Spinoza dira, justement les yeux de l’âme, par lesquels elle connaît ces choses. Aussi les démonstrations vont-elles bien au delà de la figure, saisissant dans le triangle cette relation indivisible des angles, qui est au-dessus de leurs valeurs, et qui explique d’avance, en leur totalité, une variété illimitée de valeurs et de figures. Mais la démonstration si-