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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/64

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gnifie exactement ceci, qu’il est vain d’espérer de voir l’idée, et qu’il faut l’entendre.

On tâtonnera longtemps, et sans doute vainement, à la recherche d’une intuition intellectuelle. Cette métaphore, tirée de la vue, porte avec elle non pas certes des couleurs et des formes, mais la notion d’un objet qui subsiste et qui s’offre. Au lieu que l’entendre ne nous instruit que par un mouvement et un progrès. Ce n’est pas alors un objet que la pensée découvre, mais c’est plutôt elle-même qu’elle découvre, en un passage, en une suite de passages, en une délivrance, en une succession de moments dépassés. Et il se peut bien que ce mouvement de pensée soit le tout de l’idée, et qu’il n’y ait point du tout d’objet intellectuel, ou, si l’on veut, d’existence, de donnée, qui mérite le nom d’idée. Et quand on dit, en bon disciple de Kant, que la dialectique ne fera jamais exister un objet, peut-être marque-t-on fort bien, et selon la doctrine platonicienne, la distinction de l’idée et de l’objet. Et c’est ce que le triangle et le nombre devraient nous apprendre ; mais l’idole chérie c’est