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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/65

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l’idée existant, et saisie comme par les yeux. L’idée, ainsi que Platon l’a dit et redit, est saisie seulement par une suite de discours, qui est dialectique ; dialectique, c’est enchaînement de propositions. La dialectique géométrique est seulement incomplète, par l’hypothèse, fille de nature que nous propose quelque hasard du monde. De la même manière, on ferait comprendre que le nombre cinq n’est lui aussi, qu’un reflet de l’idée, en cinq osselets, en cinq bœufs, en cinq points. Maintenant, cette idée est-elle cinq ? L’idée de deux est-elle deux ? Mais n’est-elle point plutôt commune à tout ce qui est pair ? Mieux, n’y a-t-il pas une loi des nombres qui est l’idée de tout nombre ? Il est vrai qu’ici nous n’allons pas loin, puisque la suite des nombres premiers, après tant de recherches, est encore un simple fait pour presque tous, et peut-être pour tous. On voit cette suite, on ne l’entend point. Toutefois qui oserait soutenir que nul ne l’entendra jamais, qu’on ne peut l’entendre ? Platon est unique par ce mouvement au-delà du visible, même sans moyen et sans objet. Platon était loin de sa-