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idées impalpables, invisibles, sans corps, inaccessibles à presque tous et peut-être à tous, on demande, il me semble, plus que ce que l’homme peut tenter. Il se peut bien que, dans ses leçons orales, un Platon pythagorisant se soit risqué à quelque système de dialectique par l’un et le deux. Dont Aristote a pris de l’humeur ; mais convenons pourtant que l’humeur d’Aristote devant la doctrine platonicienne est quelque chose d’inexplicable ; car la présence de l’homme, le ton, le geste devaient obtenir indulgence pour les plus hardies anticipations. En revanche, comme Platon lui-même nous en a avertis, les œuvres écrites sont trop solides, trop objet, trop abandonnées ; il y faut mieux mesurer ce que l’on sait, ce que l’on suppose, ce que l’on voudrait ; il y faut fixer, si cela est possible, quelque chose de ce discours parlé, changeant, fluide, et qui va toujours se corrigeant et se dévorant lui-même. Et, parce que Platon a rassemblé en ses écrits justement ce qu’il faut d’espérance, de foi, de doute, pour élever nos faibles pensées, on l’a surnommé le divin, et bien nommé. Mais